Dès 5 heures a.m., les premières personnes commencent à arriver. À ces heures, la barrière principale est fermée mais on remarque déjà qu’une file d’attente se formeront. À 8 heures, les premiers agents arrivent. La barrière principale est ouverte. Les premiers arrivés investissent la cour du centre. Quatre files d’attente se forment. Pas de distinction de sexe ni d’âge. Les gens sont rangés par ordre alphabétique. Les concernés pour cette journée sont les personnes dont les noms commencent par K, L, M et N.
La sécurité est rigide. Plusieurs agents de la Police nationale d’Haïti (PNH) sont postés à l’entrée du bureau. Des agents de sécurité de la mairie de Tabarre armés de matraque sillonnent les rangs pour prévenir tout dérapage. Des lignes sont tirées. Seules les personnes autorisées peuvent les franchir. Au début des opérations, à 10 heures, deux agents de la Direction de la protection civile, munis de mégaphone, annoncent la manière dont ils vont procéder. « On va prendre 10 personnes dans chaque rang à chaque fois », disent-ils. Les 40 premières personnes entrent. Dans les files d’attente, les gens veillent pour qu’aucune personne ne prenne leur place ou les devance. Quelques minutes après le début des opérations, on vient annoncer une panne dans le système. Les gens restent bien en rang malgré le soleil. L’attente n’est pas longue, les opérations sont vites reprises.
Devant la foule immense, un agent de la Croix-Rouge est remarqué. Il se montre très attentif. « Je suis présent, suite à une réunion ayant eu lieu hier [lundi 31 janvier 2023, ndlr] entre la mairie et la direction de la Protection civile. Ils ont demandé à ce que des agents de la Croix-Rouge soient là afin de porter secours à d’éventuelles personnes en difficulté. Dans les jours à venir, une équipe sera sur place pendant les opérations », confie-t-il au journal.
Loin de cette foule, un élève en uniforme, accompagné de sa mère, s’emporte. « Je ne viendrai plus ici », martèle-t-il. Il était déjà à l’intérieur du bureau mais il a dû rebrousser chemin car le service pour mineurs n’est pas disponible en semaine. Il doit revenir samedi selon l’horaire établi par le CRLDI. Un homme avoue qu’il vient au centre depuis 15 jours sans parvenir à obtenir le service dont il a besoin « Mwen p ap pran liy ankò. M ap jis chache yon moun pou ede m rantre », dit-il.
Entre-temps, des policiers, des agents de la Direction de l’immigration et de l’émigration (DIE) et du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT) facilitent l’accès au bureau à des personnes qui leur sont proches. Dans les files d’attente, les premiers signes d’énervement, de colère commencent à être visibles. D’autres personnes montrant des signes de fatigue s’asseyent à même le sol. Un vieillard, ne pouvant plus tenir debout, s’accroupit dans la file. « Se yon moun malad li ye », se plaint sa fille qui, elle aussi, fait la queue. Il y a peu de temps, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Depuis 5 heures du matin il est dans la file, il n’en peut plus », raconte sa fille. Le vieillard, exténué par cette longue attente, ne peut même pas parler. Sur les conseils de certains, il est transporté à l’intérieur du bureau.
Une dame habitant à Cité-Militaire, inhalateur en main, occupe la ligne. « Gade pou w wè si w pa p responsab yon moun la », déplore la dame. « Hier, une dame a été victime par la faute des policiers », renchérit un jeune homme.
Alors que les gens patientent, une bagarre mettant aux prises un agent de police et des agents de sécurité de la mairie éclate. « Misye vin pou l rantre ak 4 moun », argue un agent de sécurité de la mairie pointant du doigt le policier en question. Finalement, d’autres agents de la PNH s’interposent et évitent le pire. Pour calmer les nerfs, le service est suspendu. Il sera repris en fin d’après-midi