Le magistrat Jean Joseph Lebrun, 27 ans de carrière au sein de la magistrature haïtienne, est investi dans ses fonctions de président de la Cour de cassation ce mardi 22 novembre 2022. La cérémonie de prestation de serment s’est déroulée à la Cour de cassation, en présence des membres du gouvernement, des membres du corps diplomatique, des conseillers du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), de la présidente de la Cour d’appel de Port-au-Prince, du doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, entre autres.

Jean Joseph Lebrun prend la tête de la plus haute instance judiciaire qui est paralysée depuis plusieurs mois et qui se noie sous un tas de dossiers judiciaires urgents. “Les dossiers enrôlés à date qui méritent d’être évacués sans délai se chiffrent à plus de 400 affaires ordinaires et affaires urgentes”, a confié le nouveau président de la Cour de cassation.

“Les défis à relever sont gigantesques. Notre société est malade. Notre justice l’est aussi. Conjuguons nos efforts pour le relèvement de notre société en général et de la justice en particulier”, a appelé le président de la Cour. Avant sa nomination à la présidence de la Cour par arrêté, Jean Joseph Lebrun avait prêté serment en 2019 comme juge à la Cour de cassation.

“Nous avons du pain sur la planche et des défis considérables à relever. Les justiciables sont aux abois. Ils ne savent à quel saint se vouer. D’aucuns se plaignent du problème d’accessibilité de la justice. D’autres de la lenteur des procédures et de la corruption. Ces problèmes ne datent pas d’aujourd’hui”, a décrit le nouveau président du CSPJ.

“Premier ministre Henry, jetons un simple coup d’œil sur la société en général, vous verrez que la tâche d’administrer et de juger est devenue de plus en plus difficile”, a-t-il dit.

Peignant un tableau sombre du système judiciaire, le nouveau président de la Cour de cassation a cité le rapport d’enquête de l’ULCC qui montre que le système judiciaire est “injuste et sujet à la manipulation de puissants intérêts et des élites”. “Les temps sont difficiles. L’heure n’est pas aux beaux discours. Ensemble, nous devons nous mettre au travail pour affronter les grands défis de l’heure”, a-t-il déclaré. Selon lui, les défis sont entre autres, “la subordination et la politisation outrancière de la justice, les épineux problèmes fonciers, la rénovation des cours et tribunaux, la formation continue de magistrats et du personnel de la justice, l’intégration de beaucoup plus de femmes au sein du système judiciaire, la réduction de la détention préventive prolongée, la mise en réseau des cours et tribunaux, la relance de la Cour de cassation.”

Pour le magistrat Me Carvès Jean, conseiller au CSPJ, le système judiciaire reste dans l’attente de l’amélioration significative de son cadre de fonctionnement. Me Carvès Jean en a profité pour féliciter le parcours du nouveau président de la Cour de cassation.

“Votre compétence, votre assiduité au travail, votre discipline au sein de la magistrature haïtienne, vous permet de gravir les échelons. En 27 ans de carrière, vous avez occupé successivement les fonctions de juges, de doyen au TPI de Port-au-Prince, juge près de la Cour d’appel de Port-au-Prince, la Cour de cassation a bénéficié de vos brillants services comme juge pendant les quatre dernières années”, a vanté Me Carvès Jean qui adresse les très vives félicitations au nouveau président tout en évoquant une collaboration sans failles et sans reproche avec ce dernier. ” Nous croyons fermement que vous allez continuer pareillement dans vos nouvelles fonctions. Le secteur judiciaire a besoin de sérénité pour son fonctionnement. Dans cette conjoncture de crise, la mission qui vous attend est lourde et délicate”, a fait savoir Me Carvès Jean.

Selon le premier ministre Ariel Henry, la cérémonie de prestation de serment du président de la Cour de cassation se révèle exceptionnelle au regard de la crise ardue que vit le pays et de la portée de l’événement. “Il résulte d’un exercice difficile qui nous a imposé une démarche adroite et patiente à travers un dialogue constant avec de nombreux acteurs concernés pour la solution la plus proche de la Constitution”, a indiqué le chef du gouvernement.

“La décision de nommer un président à la Cour de cassation s’inscrit donc dans la perspective de trouver des solutions qui fonctionnent et puissent répondre aux principes constitutionnels”, a fait savoir le premier ministre Henry, soulignant que le gouvernement qu’il dirige s’est donc engagé dans la remise sur pied des institutions par la voie du consensus.

“Enfin, je veux croire qu’avec un président de la Cour de cassation, le CSPJ, redevenant opérationnel, va travailler rapidement au fonctionnement régulier des tribunaux, pour non seulement s’attaquer à la douloureuse situation de la détention préventive prolongée, mais encore faciliter, par ses propositions, le fonctionnement de la Cour de cassation”, a expliqué Ariel Henry.

“Soyez déterminés, mobilisés, courageux, faites preuve d’éthique dans cette noble fonction et de responsabilités pour redonner espoir aux justiciables”, aé, insistant pour une justice qui puisse changer d’images et qui joue son véritable rôle. “Le moment est venu pour que la justice haïtienne puisse s’élever et se montrer plus sérieuse et responsable dans ses attributions”, a appelé Ariel Henry.

Notons que la Cour de cassation se retrouve sans président depuis la mort du magistrat René Sylvestre le 23 juin 2021 et qui avait privé également le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) de son président.

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