L’année 2022 a été marquée par les sanctions internationales contre des leaders politiques, des anciens hauts dignitaires de l’État, des parlementaires et des hommes d’affaires parmi les plus riches du pays. Le dossier n’est pas encore clos. La liste des personnes sanctionnées va très probablement s’allonger en 2023. Et l’une des questions qui taraudent l’esprit des différents agents économiques, c’est de savoir l’impact de ces sanctions sur l’économie haïtienne en général et sur le secteur bancaire en particulier. Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), M. Jean Baden Dubois, dans le cadre de l’entrevue Leslie Delatour avec notre confrère Kesner Pharel sur radio Métropole en date du 2 janvier 2023, a discuté de l’impact des sanctions internationales sur le secteur bancaire.

Tout d’abord, M. Dubois a pris le soin de distinguer les sanctions bilatérales des sanctions multilatérales. Celles-ci ont été les premières imposées par l’Organisation des Nations unies (Onu) par la résolution 2653 en date du 21 octobre 2022. Leur portée s’étend à tous les pays membres de l’Onu, incluant Haïti. Ces sanctions sont au-dessus des lois haïtiennes, y compris la loi mère, la Constitution haïtienne, conformément aux conventions ratifiées par Haïti. En cas de contestation, précise le gouverneur Dubois, les victimes doivent s’attaquer à l’Onu et non aux institutions haïtiennes.

Ces sanctions multilatérales sont d’une plus grande ampleur. Elles peuvent aller jusqu’au gel des comptes et des avoirs des personnes concernées dans l’ensemble des pays membres de l’Onu. En Haïti, le mécanisme est très simple : la liste des personnes sanctionnées arrivent à la BRH qui la redistribue au niveau du système financier qui, lui, procèdera par la suite au blocage des comptes. Les sanctions de l’Onu concernent l’interdiction de voyager, le gel des avoirs et l’embargo ciblé sur les armes.

Quant aux sanctions bilatérales, elles concernent uniquement les pays qui en décident. Jusqu’à date, les trois principaux pays émetteurs sont l’Angleterre, les États-Unis d’Amérique (USA) à travers « l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) » et le Canada. Ces sanctions bilatérales sont régies par les lois en vigueur dans les pays émetteurs. Par exemple, les sanctions canadiennes s’appliquent seulement aux juridictions canadiennes alors que les sanctions américaines de l’OFAC sont applicables aux juridictions américaines mais aussi sur toutes les transactions effectuées en dollars américains. Les conséquences des sanctions s’avèrent donc différentes d’un pays à l’autre.

Il y a cependant une  particularité dans le cas des États-Unis d’Amérique puisque toutes les banques commerciales haïtiennes ont des banques correspondantes aux États-Unis. Et selon les lois américaines régissant la matière, confirme M. Dubois, si une banque correspondante d’une banque haïtienne aux États-Unis accepte d’effectuer un transfert de 200 dollars américains pour un des clients sanctionnés par les États-Unis, cette banque américaine risque d’écoper une amende allant d’un à cinq millions de dollars américains. On comprend qu’aucune banque américaine ne courra un tel risque injustifié. Elle aurait préféré rompre ses relations avec la banque haïtienne en question.

De son côté, la banque haïtienne risque de perdre une banque correspondante américaine qui lui permet de faire des transactions internationales à cause d’un simple client. Un scénario qu’elle ne tolèrerait pas. C’est pourquoi on a vu des banques commerciales haïtiennes procéder à la fermeture de comptes de certains clients visés par les sanctions internationales. Les banques commerciales disposent des provisions légales pour le faire puisque, rappelle M. Dubois, il est clairement indiqué dans le formulaire d’ouverture des comptes bancaires qu’elles peuvent mettre fin à leurs relations contractuelles avec les clients à n’importe quel moment.

Cependant, confirme le gouverneur de la banque centrale, dans le cas des sanctions bilatérales, les banques haïtiennes ne peuvent pas geler les comptes des clients. Pour éviter de subir les conséquences des sanctions, elles peuvent tout simplement fermer leurs comptes et verser le solde à son détenteur. Le même principe prévaut pour des entreprises où les clients sanctionnés sont actionnaires majoritaires. Les entreprises individuelles elles-mêmes subissent le même sort que leur propriétaire de façon automatique. Les banques commerciales évaluent au cas par cas la nature des risques qu’elles encourent avec les clients sanctionnés selon le degré d’importance de ces clients. Elles peuvent, par exemple, décider de réaliser uniquement des transactions locales en gourdes pour certains de ces clients et de n’effectuer aucune transaction en dollars sur l’étranger.

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